Prospecter, oui, mais qui ?

Aujourd’hui, réalisons un exercice pratique de prospection, inspiré de faits réels :

Lorsqu’une société ou association se trouve confrontée à une baisse de rendement dans ses campagnes de prospection print, la tendance est souvent de se recentrer sur les « meilleurs » fichiers de prospection, afin d’optimiser les taux de retour et sécuriser le rendement. Cette approche que l’on pourrait qualifier en sport de défensive, est plutôt logique, dès lors que la vision se porte sur le (très) court terme. On garantit un rendement orienté finance, on se donne l’impression d’avoir fait le bon choix.

Au titre de notre expérience, cette solution peut cependant s’avérer contre-productive dans le moyen ou long terme. En effet, ne pas tenir compte des profils des recrutés, de leur espérance de LTV (life time value), de leurs attentes sur le moyen ou long terme peut engendrer des problèmes structurels dans la durée.

Focalisons-nous un instant sur le marché de la collecte de fonds, puisque différents indicateurs sont régulièrement publiés (France Générosités, AFF, Cerfi, panel Oktos, etc.). On a donc des données suffisamment représentatives pour pouvoir tirer quelques points de prospective. En 2022 et 2023, les résultats de la collecte sont en légère baisse ou en stagnation, suivant les différentes études produites (+1% de dons en 2022 selon France Générosités, soit en réel avec inflation une baisse de 3,9% par rapport à 2021). La tendance pour 2023 semble se confirmer, et on tourne autour de 5 millions de donateurs en France, contre 5,5 il y a 5 ans. Cette baisse est à la fois liée à une conjoncture économique plus difficile (source INSEE : hausse du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France à 15,6% en 2021 contre 13,9% en 2015, avec dans le même temps, une hausse du montant pour calcul du seuil de pauvreté, passant de 1 095 €/mois en 2015 à 1 158 en 2021), mais aussi à une situation structurelle : l’essentiel des personnes réalisant des dons sont dans les catégories d’âge >60 ans, et il n’est pas rare d’avoir des donateurs avec un âge moyen de 80 ans dans certaines associations.

En ayant en tête ces données, et en sachant que l’essentiel de la prospection print pour les associations passe par l’échange de fichiers, on se retrouve avec certes un coût d’acquisition mécaniquement bas (10 fois inférieur à un fichier en location), mais aussi à un profil de donateurs âgé, avec un pouvoir de don qui baisse dans la durée (les pensions de retraite ne sont pas toujours réindexées sur l’inflation, les dépenses de santé augmentent avec l’âge, etc.), et avec une attrition naturelle liée à l’âge (pour rappel, le nombre de décès en France tourne autour de 631 000 morts en 2023, avec un taux de 9,2/°° -données provisoires-, vs 593 000 en 2015 et un taux de 8,9/¨¨).

Dans les faits, recruter un donateur (ou un client au sens large), dont l’espérance de vie (à la fois de consommation, mais aussi de longévité) est courte ne nous semble pas un investissement pertinent. Et malgré la générosité spontanée plus facile sur des cibles plus âgées, le coût de recrutement risque de ne jamais être amorti dans la durée.

Faire un état des lieux de sa BDD, en termes de segments et de rentabilité, permet de savoir d’où on vient et le chemin restant à parcourir. Tenir compte de son environnement professionnel, de la concurrence, des parts de marché, de ses forces et faiblesses, en essayant d’être objectif, permet de dresser une road map cohérente et de mettre en application les bonnes recettes pour soi (qui seront différentes d’une structure à l’autre). Avoir une vision sociétale sur les enjeux de générations, les différences de richesse et de comportements entre territoires, pour aller chercher le meilleur de chaque vient en complément indissociable du reste, afin de garantir non seulement un investissement efficace à court terme (économie), mais aussi à long terme (vision LTV).

Pour illustrer notre propos, et dans la continuité des précédents articles sur les changements générationnels, voici un exemple de répartition des générations et territoires au sein de notre BDD multipartenaires myLIST (comptage en mars 2024). Bien entendu, cette vision n’est pas exhaustive, mais permet de se donner une idée des volumes disponibles en prospection par segment, pour passer d’un rêve ou fantasme à une réalité concrète.

On pourra ainsi choisir les cibles de prospection et les meilleurs canaux, orienter le mix marketing, dégager des budgets pour aller chercher les cibles les plus intéressantes et surtout celles qui sont l’avenir de la structure. Nous pouvons vous aider à construire votre plan de prospection marketing, en déterminant une ventilation de budget et un ciblage optimal, tenant compte de votre réalité. Nous pouvons également faire converger les différents indicateurs, et identifier les « bons » tunnels de conversion (print vs print + digital ou drive to web, TLM, F2F, dans les différentes combinaisons possibles.)

On passe ainsi d’une vision court-termiste à une vision « projet », orientée axe de la valeur, et pérennité. Bien entendu, cela ne peut s’initier qu’avec une réflexion collective, et un soutien de toutes les parties prenantes dans l’association (direction et conseil d’administration, DAF, marketing, communication, équipes opérationnelles, etc.). Ce d’autant que la prospection de cibles plus jeunes et moins réactives nécessitera un investissement plus important.

En complément, le recrutement de cibles plus jeunes, et les différents canaux de prospection à utiliser doivent également pousser l’association à revisiter ses mécaniques de fidélisation. Quel serait l’intérêt de recruter un donateur de génération Y, habitant dans une métropole, par le canal digital, si on l’expose ensuite à un cycle de fidélisation orienté 100% papier, et qu’il soit amené à recevoir 10 à 12 courriers par an alors qu’il fera soit un DP unique en fin d’année pour rentrer dans la logique fiscaliste, ou qu’il se sera inscrit dans un programme de PA ? Il faut de plus en plus raisonner à l’individu, et non plus en cohortes ou segments, et adapter sa communication en tenant compte de ses souhaits et non en voulant le faire rentrer dans un moule. En allégeant la pression marketing, en étant plus dans une approche de réelle fidélisation (dans le sens d’entendre et de répondre aux besoins de l’individu), la relation sera améliorée, et les bénéfices seront plus grands.